Nous franchissons la porte du restaurant et ici commence la dernière partie du voyage. Ce soir, nous serons à l’abri dans une chambre. Dehors, le soleil a décidé de nous faire une fleur et de se montrer pour la partie la plus ardue de notre voyage. Nous nous éloignons donc du village de Champlain. Par contre, nous sommes incapables d’identifier la fin du village. Cela nous rappelle Saint-Augustin. Nous pénétrons maintenant dans la banlieue de Trois-Rivières. Bien que plusieurs fermes se trouvent sur le chemin, de nombreuses maisons modernes bordent la route. Quelques unes d’entres elles laissent paraître une grande opulence. Évidemment, l’accès au fleuve est interdit.
Après deux heures de marches entrecoupées de courtes pauses, nous apercevons le panneau routier indiquant Trois-Rivières. Nous prenons une photo de la pancarte et nous nous arrêtons quelques minutes. Lorsque je me relève, une vive douleur se fait sentir sous mes pieds. Après quelques pas, elle disparaît. Le Fleuve étant monopolisé par la bourgeoisie locale, il m’est impossible d’avoir une vue sur la ville de Trois-Rivières afin d’évaluer notre progression. Peut-être une heure plus tard, nous passons devant une halte pour les cyclistes. La chance de pouvoir aller sur la berge du Fleuve s’offre à nous. Les voisins de la halte ont même mis de hautes haies afin que les gens qui s’y arrêtent puissent bénéficier le moins possible de la vue sur le fleuve. Mais ils n’ont pas pu tout cacher et je peux enfin regarder vers l’Ouest. J’aperçois alors le pont Lavoilette, les édifices de Trois-Rivières et un peu plus près le toit du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Nous voyons enfin notre destination après quatre jours de marche. Par contre, nous sommes dans un piètre état. Nous avons terriblement mal aux pieds et nous sommes épuisés. Mon compagnon a très mal au mollet et moi j’ai les cuisses qui brûlent affreusement. Mais la vue du Sanctuaire nous a donné un grand coup de fouet. Je dis à mon compagnon que dans l’état ou nous sommes, nous ne pouvons nous permettre une halte supplémentaire. Si on s’arrête, je crains que nous ne puissions pas repartir. Il est d’accord, la prochaine halte sera l’hôtel de la Madone.
Nous repartons complètement exténuer mais confiants que nous y arriverons. Nous avançons lentement au rythme de la marche, chaque pas nous fait mal. Autour de nous, la campagne laisse peu à peu sa place à la ville. À un moment nous passons devant un vaste domaine clôturé. Ce domaine est constitué d’une somptueuse maison, d’un stationnement dédié à un motorisé, d’une fontaine, d’un vaste terrain couvert d’un gazon impeccable et gardé par deux gros rottweilers. Les molosses courent aussitôt à notre rencontre et s’arrêtent devant la clôture. Ils nous suivent, feignant de passer sous la clôture. Il est clair qu’il serait facile pour eux de sauter par-dessus ou de passer au dessous. Exténués et à bout de nerfs, nous regardons les deux chiens. Notre langage corporel leur fait vite comprendre que s’ils sortaient de leur terrain, nous nous battrons avec la détermination de sauver notre peau. Leur comportement change soudainement, ils cessent de nous narguer et nous regardent s’éloigner de leur territoire.
Peu de temps après, nous croisons un couple faisant une petite promenade d’après souper. Après nous avoir salués et su où nous nous rendions, ils nous disent que nous sommes à vingt minutes de notre destination. Nous marchons encore quelques minutes qui nous paraissent des heures et enfin nous voyons le site du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Quelques temps après, nous pénétrons à l’intérieur de l’hôtel.
Une fois à l’intérieur nous sommes chaleureusement accueillis par la dame à la réception. Nous payons notre chambre et répondons aux interrogations du personnel de l’hôtel présent dans le hall. Lorsque nous nous dirigeons vers l’ascenseur, nous éprouvons soudainement de la difficulté à marcher. Un homme nous dit « Vous avez pris un coup vieux. » Nous sommes amusés par la remarque. Ensuite nous montons au deuxième étage et prenons possession de notre chambre. Il est 20h30. Nous avons mis quatre heures pour parcourir la distance entre le Manoir Antig et le Sanctuaire. Cela confirme qu’il ne faut jamais faire confiance aux automobilistes pour évaluer une distance.
La chambre de l’hôtel est très sobre. À l’intérieur il y a trois lits, une table, un fauteuil et des images du Christ. Il règne un calme plat à l’intérieur de l’hôtel et c’est en plein selon dont nous avions besoin. Nous installons nos affaires sur le lit supplémentaire et nous nous asseyons. Le contraste me frappe de plein fouet, il y a quelques minutes seulement nous marchions péniblement, surmontant la douleur et maintenant nous sommes assis et tout est fini. C’est comme si tout s’est terminé trop vite et j’ai de la difficulté à comprendre ce que je ressens.
J’examine mes pieds et constate que j’ai une ampoule gigantesque sous le pied gauche. Voilà la raison de l’intense douleur que j’éprouve au pied. Ensuite, Je décide de prendre une douche. Pendant ce temps, mon compagnon va fumer une cigarette. Après je téléphone à une amie pour lui dire que nous avons atteint notre destination finale. A partir de ce moment, nous pénétrons chacun à l’intérieur de nous même et commençons un tout autre voyage. Je n’ai aucune idée ce que ressent mon compagnpn, mais pour ma part un sentiment étrange s’empare de moi. Un sentiment qui n’est ni désagréable ni agréable. Encore aujourd’hui, je suis encore incapable de le définir complètement. À ce moment, j’attribue ce sentiment étrange à la fatigue. Je décide d’écrire dans mon journal un court compte rendu de la journée. Ensuite, je pige dans mes provisions de noix et de fruits séchés avant de m’installer bien confortablement dans mon lit.
Épuisé, satisfait et fier d’avoir terminé cette aventure, je plonge très rapidement dans un sommeil profond et sans rêve.
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