À la fin de l’été 2009, lorsque je suis allé chercher ma blonde, qui revenait de son été en Provence, à l’aéroport Pierre-Eliot Trudeau, je fus profondément troublé par les propos d’une femme. J’attendais patiemment que mon amoureuse sorte de la porte des arrivées internationales quand soudain j’entendis ceci : « Heille! 8 heures pour faire Paris-Montréal ça dont ben été long ». Ces propos m’éclairèrent sur le fait que nous tenons pour acquise la vitesse des transports modernes. Ces vitesses fulgurantes ne sont plus pour nous un luxe, mais une nécessité. Cette mentalité entraîne malheureusement certains aspects négatifs.
Le premier aspect négatif est notre banalisation des voyages outremer. Ceci a pour résultat que nous n’apprécions plus nos vacances à l’étranger à leur juste valeur. L’accessibilité de plus en plus grande des destinations lointaines fait en sorte que nous ne réalisons plus à quel point nous nous trouvons loin de chez nous lorsque nous visitons ces régions. Aujourd’hui ,pour bien des Québécois, un séjour sur une île des Caraïbes ou en Europe de l’Ouest ne relève plus de l’extraordinaire. Dans un article du Réseau de Veille en Tourisme publié le 13 novembre 2009, et intitulé : Activités, attraits et événements favoris des Québécois, il est mentionné que le nombre de Québécois ayant fait au moins un voyage outremer durant l’année a augmenté de 96% entre 2003 et 2009. Il y a quelques décennies, ces destinations étaient plus difficiles d’accès et requéraient plus d’effort pour quiconque désirant s’y rendre. Aujourd’hui, quelques clics sur Internet et quelques heures dans un avion à écouter de la musique, à se faire servir des petits plats et à regarder des films sont nécessaires pour atteindre des endroits dont nos grands-parents n’ont connus qu’en rêve. L’humain étant ce qu’il est, au lieu d’être reconnaissant envers la technologie de nous permettre d’accéder sans effort à des contrées lointaines, nous devenons de plus en plus exigeants face à nos standards de vacances. Il est consternant d’entendre des gens revenir de Cuba et dire qu’ils n’ont pas eu de belles vacances, car il a fait soleil seulement durant une journée. Je crois que c’est un phénomène nouveau d’entendre un Québécois se plaindre qu’il fasse 20 degrés en plein mois de février.
De plus, il existe un lien étroit entre l’effort que l’on fournit à se rendre à un lieu et le niveau d’appréciation que l’on ressent une fois arrivé à destination. Lorsque j’ai marché entre Rimouski et Beaumont j’ai dû traverser la plaine du Kamouraska. J’avais déjà traversé ce lieu en voiture et j’avais été frappé par la beauté des lieux. Cependant, lorsque tôt le matin, je quittai le Camping de la Batture à Saint-André et que je descendis la colline pour m’enfoncer dans la plaine c’est à se moment que je fus foudroyé par la majesté des lieux. Quelques semaines plus tard, je visitai Paris et, à mes yeux, la Ville lumière était beaucoup moins intéressante et belle que la plaine du Kamouraska. J’attribue ce phénomène à 3 facteurs. Premièrement, j’ai mis 6 jours à atteindre la région de Kamouraska et moins de 24h pour atteindre Paris. Deuxièmement, j’ai dû fournir énormément plus d’efforts physiques et mentaux pour arriver à Kamouraska qu’à Paris. En dernier lieu, le rythme lent de la marche m’a permis de savourer pleinement le moment que je vivais et d’apprécier chaque parcelle du territoire que je parcourais.
Un autre élément négatif est la piètre estime que nous portons à notre propre territoire. Lorsque ma blonde et moi avons fait part à notre entourage de notre projet de visiter les Maritimes, plusieurs ont été surpris et ne comprenaient pas notre décision. Selon eux, il n’y avait rien à faire dans l’est du pays. Pourtant, ils avaient tort. Nous avons visité une région riche en paysages époustouflants, avec une grande richesse culturelle et rencontrée une population très accueillante. Nous avons tendance à croire qu'il est nécessaire de se rendre très loin de chez soi pour vivre et voir des choses extraordinaires. Mais nous oublions qu’il existe des lieux sublimes présents sous notre nez.
Un dernier aspect négatif est la destruction de paradis terrestres. Il existe sur terre des endroits hors du commun où tout être humain rêve de passer sa vie. Des îles où la température y est presque toujours clémente, où la mer est chaude à l’année, où les arbres regorgent de fruits exotiques et où le soleil brille. Des îles comme Tahiti, Hawaï et la Nouvelle-Zélande. L’accès à ces îles a longtemps été terriblement difficile. Autrefois, afin d’y parvenir il fallait braver la mer à bord d’embarcations de bois et s’exposer à mille dangers. Ces endroits étaient paradisiaques justement parce l’effort à fournir pour y accéder était colossal. Donc, dans un premier lieu, les capacités de charge physiques et environnementales n’étaient dépassées. En deuxième lieu, les gens étaient grandement reconnaissant d’y être parvenu puisqu’ils avaient affronté maints dangers. Maintenant, les transports modernes ont permis à un grand nombre de gens d’accéder à ses petits paradis. Dans certains cas cela eut des conséquences néfastes sur l’environnement, la faune, la flore et les populations locales. Je crois que la facilité avec laquelle les touristes s’y rendent influence le niveau de respect qu’ils portent à la destination.
Pour conclure, notre attitude face à la vitesse des transports modernes diminue notre appréciation de nos voyages à l’étranger, influence sur l’estime que nous portons à notre propre territoire, et à des conséquences néfastes pour des paradis terrestres. La banalisation de l’efficacité des moyens de transport modernes nous rend ignorants face à notre dépendance envers ceux-ci. N’oublions pas que notre corps est conçu pour se déplacer à une vitesse moyenne de 5 km/h. Tout moyen nous permettant de nous déplacer à une vitesse supérieure à celle-ci devrait être considéré comme un cadeau.
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