À 10h20, je quitte mon appartement avec mon sac à dos chargé et parfaitement réajusté, mon bâton et ma casquette. Ayant préféré cette dernière à mon chapeau de feutre puisqu’elle n’encombrera pas les mouvements de ma tête. Je mes aussi en marche mon lecteur Mp3 et la pièce « No ceiling » d’Eddie Vedder résonne à mes oreilles. , je n’ai pas encore franchi mon premier kilomètre qu’une voiture manque me renverser à l’intersection de la rue Soumande et l’avenue du Colisée. Un homme qui attend à l’intersection lui lance un juron et je suis soulagé qu’un automobiliste prenne ma défense.
Je continue donc ma route, un peu frustré, mais les mouvements apaisants de la marche me font vite oublier cet incident. Je me dirige vers le parc Cartier Brébeuf, car mon idée est d’atteindre le Vieux Port en empruntant le Parc linéaire de la Rivière Saint-Charles. Une fois le long de la rivière, je suis content que les automobiles ne puissent pas venir me harceler jusqu’ici.
Le temps est un peu moins clément que lors de ma sortie à l’île. Il fait plus frais, le vent est fort et il y a de gros nuages gris qui arrivent de l’Ouest. Mais cela ne m’inquiète peu car je possède tout l’équipement nécessaire afin d’affronter la pluie. De plus, il est quasi impossible que, lors des quatre jours de marche nécessaires pour se rendre à Trois-Rivières, je ne rencontre que du beau temps.
Une fois le terminal du traversier atteint, j’enlève mon sac car mon épaule gauche commence à me faire mal. Je paie mon billet et attends tranquillement sur un banc. Je n’attends pas longtemps et je suis sur le bateau à 11h30. Une fois à bord, j’en profite pour manger et boire. Tandis que tout le monde se poste à l’arrière du bateau afin d’admirer le vieux Québec, moi je suis à l’avant et je fixe en direction de mon objectif final. À ce moment, je suis confiant que j’y arriverais sans peine. J’arrive de l’autre côté du Fleuve à midi.
Une fois sur la rive sud, je m’engage sur la piste cyclable qui contourne la ville de Lévis en longeant le Fleuve Saint-Laurent. Je marche seulement quelques mètres et je prends la décision d’allonger ma pause au peu plus longtemps. Je m’assois sur une table à l’extérieur. Le vent est de plus en plus froid, tellement que je dois mettre ma veste imperméable en plus de mon gilet chaud que je porte depuis le début.
La première moitié de la traversée de la ville de Lévis ne fut pas des plus agréables. Malgré le fait que la piste cyclable est très belle et que je suis à l’abri des voitures, j’ai soudainement une baisse d’énergie. Mais après une heure de marche, les nuages s’en vont et les muscles de mes jambes se sont à nouveau réchauffés. Les trois derniers kilomètres sur la piste cyclable se passent mieux que les quatre premiers. Lorsque l’odeur de friture de l’usine Fritolay se fait sentir, je sais que la traversée de la ville tire à sa fin. Peu de temps après avoir humé ces vapeurs de croustilles, j’arrive au bout de la piste.
À la fin de la piste cyclable il y a une petite halte, mais étant plein d’énergie je prends la décision de continuer sans m’arrêter. Je croyais que la piste débouchait sur la route 132, mais ce n’est pas le cas. Je dois d’abord emprunter un chemin bordé par quelques champs avant d’atteindre la route principale. J’atteins la 132 en peu de temps et j’aperçois un panneau : Beaumont 15 km. Mais à peine 500 mètres plus loin un autre m’informe que Beaumont se trouve à 8 km.
En empruntant la route 132, je rentre dès lors en milieu rural. Non pas comme sur l’île d’Orléans, mais la campagne québécoise comme je suis habitué de la voir. De grands champs, de l’espace, de vastes zones boisées et ce chaos propre à la nature. Pouvant maintenant voir loin, je suis soudainement frappé par l’immensité qui m’entoure. Je prends alors le temps de regarder les Appalaches au sud, le Fleuve et les Laurentides au nord. Je constate immédiatement que je ne suis qu’un petit être au milieu de forces gargantuesques et antédiluviennes. Mais en sentant les muscles de mes cuisses se contracter à chaque pas, et en voyant le chemin parcouru depuis mon départ, je réalise que ce sont ces forces qui m’on forgé. Que chaque être humain fasse parti à part entière de cette nature à la fois bénéfique et sans pitié est à mon sens quelque chose d’innée.
L’Île d’Orléans étant maintenant parallèle à moi, j’essaie de trouver un autre point de repère pour évaluer ma position. Au loin, les pylônes électriques de couleur rouge et blanc alimentant l’île et la rive sud se dressent devant moi. Ces piliers d’aciers me sont familiers puisqu’on les aperçoit de la fenêtre de la salle à manger de la maison de mes beaux-parents. Ils sont donc un bon point de repère pour moi, parce que je devrais immanquablement passer sous les fils à haute tension peu avant d’arriver à Beaumont.
Je marche donc durant une heure dans ce décor pittoresque. Le terrain est quelque peu accidenté et je dois effectuer quelques montées mais rien de trop éprouvant. Après avoir dépassé la Manoir de Beaumont une douleur au pied gauche me convainc d’arrêter. Je choisis le haut de la côte qui mène au manoir, comme halte. J’espère de cette façon avoir une meilleure vue sur le territoire et peut-être apercevoir le clocher de l’église de Beaumont. Une fois au sommet de la colline, une vue splendide s’offre à moi. Comme je l’avais espéré, j’aperçois un village au bord d’une baie et aussi le clocher d’une église. Pas de doute, c’est le village de Beaumont. Je m’assoie tout simplement sur le bord de la route au pied d’une butte et je prends quelque temps pour admirer la vue.
Il est alors 14h45, cela fait plus de quatre heures que je suis parti et je suis face à ma destination. Je suis content de voir que je me porte bien mis à part quelques douleurs bénignes ici et là que je juge normal. Je repars vers 15h et commence ma descente dans la baie direction Beaumont. Après avoir terminé la descente de la colline je tourne sur le chemin du Domaine qui mène au cœur du village.
Le village de Beaumont est sans doute l’un des plus beaux villages du Québec. Les villageois ont su préserver l’authenticité des anciens villages québécois. Comme en témoigne son église datant du XVIIe siècle ainsi que ses croix de chemin. C’est dans ce vestige de l’époque colonial que je termine ma marche. Une fois devant la maison de mes beaux-parents, je cogne à la porte et suis accueilli chaleureusement